Avant d’être producteur, Dominique Besnehard a été directeur de casting et agent des plus grandes stars. Alors que débute le Festival du Film Francophone d’Angoulême, focus sur son co-créateur et délégué général, un acteur de tous les plans…

Du 20 au 25 août 2019, Angoulême fait son festival. A notre micro dans la vidéo ci-dessus, le délégué général Dominique Besnehard revient sur sa création aux côtés de Marie-France Brière, et évoque ce que l’événement signifie pour lui. Ci-dessous, il évoque ses débuts et son parcours, de directeur de casting à producteur, en passant par acteur et agent de stars. Rencontre…

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AlloCiné : Dans votre livre “Casino d’Hiver”, vous confiez avoir pu réaliser très tôt votre rêve de cinéma, sans contrainte, sans galère. Pourriez-vous nous parler en quelques mots de vos débuts ?

Dominique Besnehard : Vous savez, j’avais 20 ans en 1974. J’ai donc connu l’époque des Trente Glorieuses : la société va bien, il y a peu de chômage. J’ai passé mon adolescence à Houlgate, je rêvais de théâtre tout d’abord, n’osant pas imaginer que le cinéma pourrait un jour s’intéresser à moi. J’ai toujours aimé le théâtre, les acteurs. J’avais la chance d’avoir la télévision dans les années 60, car tout le monde ne l’avait pas. Je me suis très vite réfugié devant le petit écran et j’ai eu une vraie culture cathodique. Ma bible était Télé 7 jours. Je découpais les distributions, je comparais le jeu des acteurs. J’ai fait énormément de fiches sur les acteurs aussi. J’ai donc une culture populaire.

Mes parents étaient commerçants, ils travaillaient beaucoup. Ils n’ont pas eu de jeunesse à cause de la guerre de 39-45, aussi ils respectaient beaucoup nos envies à moi et à mon frère, ne nous jugeaient jamais. Le théâtre était mon objectif, aussi j’ai fait le centre de la rue Blanche, en régie et mise en scène. Je ne voulais même pas être acteur car je me disais qu’il y avait tant de gens mieux que moi. Ma forme de modestie m’a aidé car j’ai toujours été dans le pragmatisme. Pour voir des acteurs, être dans ce milieu, il fallait que je sois derrière la caméra et pas devant. A 18 ans, j’ai obtenu le concours très sélectif de la rue Blanche, en juin 1973. Le mois le plus important de ma vie car j’ai également eu mon bac. A partir de septembre j’étais à Paris et tout a commencé.

Si vous deviez citer un premier souvenir très fort, fondateur et qui a lancé votre vie, quel serait-il?

Je me souviens avoir ouvert la porte de mon appartement à Paris, aux côtés d’Evelyne Bouix, qui avait fait ses études avec moi à la rue Blanche. Il y avait aussi là-bas Christophe Malavoy, Fanny Cottençon, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin. Ma première expérience a été de faire de la figuration à la Comédie-Française pour gagner ma vie et respirer l’ambiance des plateaux. J’étais figurant notamment sur un spectacle Port-Royal d’après Montherlant, dans lequel Isabelle Adjani, qui avait alors 16 ou 17 ans, était l’héroïne. Elle alternait avec une autre actrice. Avec elle, il y avait un réel supplément d’âme. Voilà un souvenir très fort. 

Claude Berri a été déterminant pour moi et m’a présenté à tous les metteurs en scène

Vous avez eu de vrais mentors à vos débuts, tels que Jacques Doillon ou Claude Berri…

J’ai fait une grosse série pour la télévision ensuite, Ces grappes de ma vigne d’Alain Quercy, qui a été mon premier mentor. Et ensuite il y a eu Jacques Doillon. Encore une fois j’ai eu de la chance, j’étais là le bon jour, la bonne heure. Jacques Doillon avait fait un film qui s’appelait Les Doigts dans la tête. Un film très fort sur la jeunesse, le sentiment amoureux, très années 70, pour lequel j’ai eu un vrai coup de coeur. Le jour où je vois ce film, je déjeune avec un ami qui me dit recevoir Doillon à diner le soir. Je lui demande de me permettre de rester pour le rencontrer. Je cherchais un stage dans le cinéma pour valider ma carte professionnelle. Il finit par accepter que je reste et vante mes qualités à Jacques. Ce dernier cherchait quelqu’un pour s’occuper du casting des jeunes acteurs du Sac de billes. Il a attendu l’aval de la production et m’a envoyé un télégramme un jour pour me dire que c’était ok ! J’ai alors mis le pied dans la recherche d’enfants acteurs. Je suis devenu spécialiste des enfants avec Le Jouet, La vie devant soi avec Simone Signoret, que j’ai côtoyée de près. Dès qu’il y avait un gosse, un ado c’était pour moi ! J’ai fait d’ailleurs La Drôlesse avec cette jeune actrice Madeleine Desdevises qui m’a énormément marquée et qui est morte après d’une leucémie. Après Jacques m’a gardé avec lui car il voyait que je connaissais bien tous les acteurs, j’ai fait le tournage et dès qu’il avait un film, j’étais avec lui, et ce pendant trois ou quatre ans. A 20 ans, j’étais “casting director”. Grâce à lui, j’ai rencontré Claude Berri qui a été déterminant pour moi. Lui et son directeur de production m’ont pris sous leur aile car ils aimaient mon travail, mon enthouasiasme. Ils m’ont présenté à tous les metteurs en scène dont Claude Sautet, Pierre Granier-Deferre, Roman Polanski… 

Vous avez connu énormément d’acteurs d’aujourd’hui alors qu’ils étaient enfants et avez en règle générale découvert la plupart des personnalités françaises telles que Juliette Binoche ou Florent Pagny…

J’ai connu tous les acteurs d’aujourd’hui enfant en effet : Thomas Langmann, le fils de Claude Berri que je babysittais même ! Lolita Chammah qui a même joué ma fille. Laura Smet est ma filleule. La fille de Marlène Jobert, Eva Green. Alexandre Brasseur, Je les ai tous vus grandir.

C’est un garçon très bon acteur, sans doute son amoureux de l’époque, qui m’avait parlé de Juliette Binoche. Je l’ai rencontrée un jour, elle entrait au Conservatoire pour voir des auditions, et j’avais été très impressionné oui. Florent Pagny, je l’ai trouvé dans un bar à l’occasion du casting de Diva de Beineix. On cherchait le jeune postier qui tombait amoureux de l’étoile. En fait à l’époque, j’allais dans tous les endroits où il y avait des jeunes car je faisais beaucoup d’histoires d’adolescents. Depuis A nous les petites anglaises, on a commencé à voir des jeunes au cinéma dans des rôles importants. Le cinéma faisait rêver et il n’y avait pas eu d’histoires de moeurs, on ne parlait pas de pédophilie, donc quelqu’un qui rentrait dans un lycée à la recherche de jeunes pour des castings, ça ne faisait tiquer personne.

Je suis ensuite devenu agent en 1985 pendant 22 ans, de beaucoup de personnalités que j’avais rencontrées et découvertes avant. Je me suis occupé de Christophe Lambert, Sophie Marceau, Sandrine Bonnaire, Jean-Louis Trintignant, Marlène Jobert, dont j’étais fan quand j’étais jeune. Je n’ai pas découvert Nathalie Baye mais elle m’a permis de devenir agent en me faisant confiance.

J’ai présenté Emmanuelle Seigner à Polanski, Jane Birkin à Jacques Doillon, Christophe Lambert à Sophie Marceau…

Vous confiiez avoir été parfois agent matrimonial autant qu’agent en faisant se rencontrer des couples phares du cinéma comme Emmanuelle Seigner et Roman Polanski ou Sophie Marceau et Christophe Lambert…

Oui, c’est vrai! Emmanuelle je la connais depuis qu’elle a 15 ans. Je faisais un casting et j’étais pour cela dans une agence de mannequin. Elle était très très mignonne mais n’était pas intéressée par le cinéma. Elle était douée. Je l’ai présentée à Godard pour qui elle a fait Détective. Elle y était formidable sachant que le casting de ce film était extraordinaire. Emmanuelle est ensuite venue me voir lorsque je préparais le casting de Roman Polanski, Pirates. Polanski est entré dans le bureau, il l’a vue. Elle est devenue l’histoire de sa vie. Dans ses mémoires, il me cite en disant que le plus beau casting que j’ai fait, c’est de lui avoir présenté Emmanuelle. J’ai présenté également Jane Birkin à Jacques Doillon pour La Fille prodigue avec Michel Piccoli. J’étais encore agent, pour mon dernier film je crois en tant que tel, lorsque Sophie Marceau cherchait un acteur pour son film et est entrée dans mon bureau, elle a vu une photo de Christophe et m’a demandé à le rencontrer car elle ne le connaissait pas bien. Leur histoire a cela dit débuté après le tournage de La Disparue de Deauville.

Si vous deviez citer un acteur ou une actrice que vous êtes particulièrement fier d’avoir découvert…

Sans hésitation Béatrice Dalle. C’était une bombe quand elle a fait 37,2 le matin. On a une relation très forte. Cela n’a pas toujours été simple pour elle, sa vie a été très compliquée mais elle a su dépasser plein de choses. Elle reste une personnalité hors du commun et une très grande actrice.

Pialat m’a appelé pour me dire que j’étais choisi suite à mes essais parce que “personne n’avait fait ça”

Vous avez aussi une carrière d’acteurs avec plus de 80 seconds rôles, dont une figuration par exemple dans “Le Fantôme de La Liberté” de Luis Bunuel et bien sûr un rôle chez Pialat dans “A nos amours”…

J’ai fait beaucoup de figuration oui, et en effet chez Bunuel. Je n’ai jamais revu le film mais attention je n’y joue pas. Je suis dans la foule. Quant à Pialat, oui bien sûr. Un des grands cinéastes de notre siècle passé, un personnage assez ombrageux, une violence mais aussi une pudeur, une sensibilité à fleur de peau. Sur Passe ton bac d’abord, il m’avait déjà proposé un personnage et puis ça ne s’est pas fait. Sur A nos amours, qui s’appelait au début Les Filles du Faubourg, il m’a demandé de faire venir du casting. Je donnais la réplique aux jeunes et à Sandrine Bonnaire. Je jouais Claude Berri et je savais que c’était un personnage entier, très protecteur vis à vis de sa soeur. Comme elle rentre tard, j’improvise, je lui donne une gifle. Personne ne s’y attendait. Je connaissais le background de cette famille en fait. Moi je voulais qu’il prenne Robert Benucci et les acteurs de l’époque et il m’a appelé pour me dire que j’étais choisi suite à mes essais parce que “personne n’avait fait ça”. J’ai beaucoup résisté, il a insisté, m’a engueulé. J’étais à l’époque engagé sur un film de Claude Sautet qui m’a dit “Il faut que tu le fasses, on se débrouillera toujours pour les rendez-vous”. C’était vraiment un homme extraordinaire.

Le personnage de “La Cité de la peur” avec la réplique culte “Madame je vous pisse à la raie”, c’est vous !

On a tourné cela en une heure et tout le monde me parle de cette réplique ! Je n’ai aucun souvenir, enfin si j’ai eu mal au genou car je tirais Chantal Lauby. Je n’ai jamais revu le film. J’ai beaucoup aimé travailler avec Alain Chabat qui est si inventif qu’il aurait pu travailler chez Disney. Il s’intéresse à la forme, la lumière, le dessin. J’aurais aimé qu’il travaille plus en tant qu’acteur. Je l’ai fait tourner, j’ai joué dans tous ses films, notamment dans Astérix où je fais le goûteur de Monica Bellucci. Une actrice incroyable, généreuse, parfaite. Je la connais mieux depuis Dix pour cent, elle est vraiment d’un niveau supérieur. Aujourd’hui avec Angoulême, mon métier de producteur, mes émissions, je n’ai plus le temps d’être acteur. Il faut n’avoir rien d’autre à penser qu’au jeu.

Qu’est ce qui a fondamentalement changé dans votre relation aux acteurs lorsque vous êtes passé de directeur de casting à agent?

Directeur de casting, on est très aimé des acteurs qui ont envie d’être remarqués, sollicités, proposés aux cinéastes. Les rapports sont idylliques. Quand on devient agent, c’est presque le contraire. Chaque acteur doit vous donner 10% de son salaire. Quand il considère qu’on n’a pas assez fait le travail, qu’ils n’a pas été retenu pour ce qu’il voulait, il est demandeur. Il faut ne pas blesser, être là, heureux quand un acteur a un très beau rôle. La relation est différente, plus fatiguante moralement. C’est un métier qui m’a beaucoup inspiré. J’en ai retenu toutes les anecdotes pour la série Dix pour cent.

Aujourd’hui il n’y a plus de sacralisation de l’acteur…

Le métier d’agent doit être bien différent aujourd’hui avec les réseaux sociaux et la possibilité de jouer beaucoup plus avec sa propre image, l’accessibilité…

Je suis content d’avoir arrêté car c’est surtout très friable. Un acteur ne fait plus forcément venir un spectateur aujourd’hui. Il y a tellement de films, de séries, on peut voir des images sur un téléphone. Il n’y a plus de sacralisation de l’acteur. Moi je me souviens quand je faisais du casting, on attendait la sortie du film de Belmondo, ou d’un grand cinéaste. Aujourd’hui, on a tout tout de suite. Je suis assez content d’avoir mon âge maintenant. Il n’y a plus de fidélité des acteurs. Très peu d’acteurs m’ont quitté par exemple. S’il y avait un problème, on en parlait. J’ai vu une grande star quitter son agent par texto : “ça a duré trop longtemps, je te quitte”. Il n’y a plus assez d’âme désormais.

Et vous êtes aujourd’hui producteur. Qu’est-ce qui caractérise, problématise le métier aujourd’hui plus qu’hier ?

Produire pour le cinéma cela reste un combat. On peut avoir un très beau scénario, un beau casting, l’économie et le marché sont là et vous disent à chaque fois, on n’y croit pas. Les années à venir vont être compliquées. Un distributeur aujourd’hui ne vous dit plus en entendant un sujet “ok j’y vais”. Il y a des comités. France TV me disait à l’époque : “Je te fais confiance, fais le”, aujourd’hui cela ne marche plus comme ça. Les séries de même. Même si avec Dix pour cent, on est gaté par France TV et la confiance est là.

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