La scénariste et cinéaste Alice Winocour (“Maryland”, “Augustine”), membre du jury long métrage de la 43ème édition du festival de Deauville, a évoqué pour nous ses films américains favoris.

A l’occasion du 43ème festival du cinéma américain de Deauville, AlloCiné a rencontré les membres du jury pour leur faire évoquer leurs souvenirs de spectateurs de cinéma outre-Atlantique. Aujourd’hui, c’est au tour d’Alice Winocour.

 

AlloCiné : Quel est votre premier souvenir de film américain ?

Alice Winocour : je suis très marquée par le cinéma français, mais beaucoup aussi par le cinéma anglo-saxon mais mon désir de cinéma m’est venu du cinéma américain. Le premier film auquel je pense ce sont les films de Cronenberg et aussi Psychose d’Hitchcock. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il a bercé mon enfance. A la campagne, avec mon petit frère c’était le seul film qu’on avait. On était complètement obsessionnels, on le regardait plusieurs fois par jour.

En cachette ?

Ah non justement, mes parents n’avaient absolument aucun problème, alors que je pense que je devais avoir 9 ou 10 ans. Ces films font vraiment partie de moi. Tous ceux d’Hitchcock évidemment, mais avec Psychose il y a une part d’intime.

Ce n’est pas banal ! Et pour Cronenberg ?

Ses films ont été extrêmement importants pour moi, car je suis fascinée par les films charnels, les films sur le corps. Et ce sont sur des films comme Crash ou Faux semblants que je me suis construite en tant que cinéaste. C’est pour ça que je suis très contente de faire partie du jury de Deauville car je me sens aussi très proche du cinéma américain contemporain comme Jeff Nichols avec Take Shelter ou Midnight Special. J’aime que l’intime y soit mêlé à des histoires “bigger than life”. Dans le cinéma français, quand on veut parler de l’intime on est autobiographique, alors que j’en suis incapable. Plus je parle de quelque chose d’intime, plus ça doit être loin de moi.

Votre film de chevet ?

Safe de Todd Haynes avec Julianne Moore, qui est impressionnant.

Et le film qui a traversé les époques ?

Les films de Coppola. Et les films du Nouvel Hollywood. Ils avaient une manière très humaine et libre de décrire le monde et des personnages un peu marginaux, avec une forme de chaleur. Tandis que le cinéma qui décrit notre époque aujourd’hui est très marqué par une mesquinerie dans les rapports humains. (…) Un film comme Cinq pièces faciles par exemple…

De Bob Rafaelson.

Oui, il a plein de personnages de marginaux qui se dévoilent. Et ce sont des films qui me transportent. J’adore cet anticonformisme et cette insolence.

Le film qui vous a fait le plus peur ?

Pas Psychose, car je le connais tellement qu’il ne m’a pas fait peur. Peut-être le film de John Carpenter Assaut. Les films de Carpenter m’ont beaucoup influencée pour Maryland dans le rapport au son et au hors-champ. Assaut m’a terrorisée avec ses ombres dans la nuit et ses bruits.

A quel réalisateur diriez-vous oui pour une coréalisation ?

J’ai testé la codirection d’un film [Maltonius Olbrene à la Fémis, NdlR] et je pense que je ne le ferai plus jamais, même avec un réalisateur prestigieux. C’est quelque chose de trop difficile. [Je dirais oui à] Todd Haynes ou Cronenberg. Lodge Kerrigan aussi, pour un côté plus indépendant. Keane m’a beaucoup marquée : Damian Lewis d’abord, mais aussi la manière de filmer, très fébrile, l’impression de suivre un personnage comme en apnée. Ce sont des cinéastes qui inventent beaucoup.

J’aime le cinéma indépendant américain comme celui de Kelly Reichardt. Wendy et Lucy m’a bouleversée ou même Certain Women…

…Qui était à Deauville l’année dernière.

Voilà. Maryland a été très apprécié aux Etats-Unis, car il revisitait le film de genres en essayant de le décaler et ça a beaucoup plu. Du coup j’ai reçu plein de propositions de films d’action et d’autres. Maryland va être remaké par James Mangold sur un scénario de Taylor Sheridan. Je suis très contente car j’admire énormément le travail de James Mangold. Et c’est pour cela que j’étais représentée là-bas et que j’ai eu des propositions. Mais je dois sentir des connexions entre l’intime et le sujet. Je sais aussi ce que c’est que de travailler dans cette industrie sans final cut, mais c’est quelque chose qui m’attire.

Vous avez des titres de films que vous avez refusé et qui ont été fait par quelqu’un d’autre ?

Le système américain est fait de telle façon qu’un projet est proposé à beaucoup de réalisateurs. J’ai reçu plein de projets de Bad Robot et la société de George Lucas. (…) Et puis j’aime écrire mes propres films et je pense que j’ai encore des choses à raconter [avant m’essayer au système américain].

Rassurez-moi, vous n’avez pas dit non à Star Wars, quand même ?

Elle rit de bon coeur.

 

Alice Winocour est l’auteur de “Maryland” :

Maryland Bande-annonce VF