Alors qu’elle s’apprête à souffler ses 70 bougies, Sheila garde le feu sacré. L’âge, ses blessures, ses belles histoires avec Yves Martin, son compagnon, et son public, toujours fidèle. A Gala, elle dit tout.

« Vous ne trouvez pas que je ressemble à un plombier-zingueur comme ça? » Dans ce club de sport qu’elle fréquente depuis vingt ans et où elle nous accueille, elle ne manque pas de recul, ni d’humour, sur son image. A la voir si tonique dans sa combinaison en coton de bleu de chauffe, accessoirisée de multiples bracelets qu’elle commercialise en ligne sur son site s-creations.com, difficile de croire que Sheila comptabilise déjà plus de cinquante ans de carrière, qu’elle a vendu 85 millions de disques à travers le monde, et, surtout, qu’elle va célébrer ses soixante-dix ans le 16 août prochain! Pas du genre à se reposer sous sa couronne d’épines et de laurier. Entre éclats de rire et coups de griffe, l’ex-“petite fille de Français moyens” revisite sa drôle de vie. Et l’on n’est pas déçu de cette séance de gymnastique!

Gala: Vous allez fêter votre soixante-dixième anniversaire. Que cela vous inspire-t-il?

Sheila: Je suis fière d’atteindre cet âge. En même temps, j’ai le sentiment de n’avoir qu’une petite quarantaine, parfois même la vingtaine! Il m’arrive de me plaindre de petites douleurs. Mais vieillir, c’est surtout un travail de l’esprit. Le corps n’est que le véhicule de l’âme. Il s’agit tout au plus de voyager dans une belle voiture! J’écris un livre sur le sujet en ce moment.

Gala: La solitude, vous connaissez?

Sheila: Je l’ai connue quand j’ai tout arrêté en 1989. Le téléphone a cessé de sonner. J’ai appris, durant les sept années qui ont suivi, à gérer le silence. Depuis, la solitude m’est devenue indispensable. Pour écrire, me ressourcer, et avancer… Je ne suis entourée que de très peu de gens.

(…)

Gala: Entre vous et vos fans, quel fut le plus grand malentendu?

Sheila: “Sheila est un homme.”

Gala: Vous avez à ce point souffert de cette stupide rumeur lancée par Gérard de Villiers? Pourquoi, au lieu d’en rire, l’avez-vous tellement prise à cœur?

Sheila: Parce qu’à l’époque, les gens croyaient ce qui était écrit dans les journaux. Pas de fumée sans feu, comme on dit. Le doute s’est immiscé dans les esprits. Aujourd’hui, je serais la première à en rire car ce qui est publié dans la presse, on s’en fout un peu, non? Je ne vous parle même pas d’Internet. On y raconte tellement de conneries qu’on en vient à douter des vérités les plus élémentaires!

Gala: Vous avez pu bénéficier du soutien de vos parents, à l’époque?

Sheila: Si je suis toujours debout, si je manifeste toujours autant d’énergie, c’est grâce à eux, à leur éducation. Mon père et ma mère étaient de gros bosseurs. J’ai vu ma mère se coincer le doigt dans une portière de camion et tenir malgré tout son étale de marché par –5 °C. Imaginez sa résistance à la douleur! Ce fut la meilleure des écoles.

Gala: Ont-ils su gérer la célébrité qui vous est tombée dessus à l’âge de dix-sept ans?

Sheila: Ils n’ont pas su, évidemment. Quels parents en auraient été capables? Papa a eu sa période « je suis le père de », il jouait au playboy. Mais pour moi, il restait mon père. C’est maman que j’appelais après mes télés. Elle ne me ratait pas: « Pourquoi t’as dit ça? », « Là, t’étais pas bien éclairée »… Elle avait un regard et un jugement sur les gens qui m’entouraient. Je me souviens de Claude Carrère (son producteur historique, ndlr) venant dîner à la maison, à mes débuts. En ouvrant la porte, il a lancé: « Oh, ça sent l’ail, c’est pas possible! A partir de maintenant, on ne cuisinera plus d’ail ici. » Et puis, il a fait savoir à mes parents qu’à l’avenir, ils ne devraient plus m’appeler Anny, mais Sheila…

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Gala: Vous souvenez-vous précisément du jour où vous avez échappé à votre mentor Claude Carrère?

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Sheila: C’était en septembre 1983. Je rentrais de New York. Il m’attendait en studio pour enregistrer Condition féminine que je devais chanter chez Jacques Martin le lendemain. Toujours cette vitesse d’exécution inouïe! J’avais travaillé mon playback toute la nuit et soudain, dans ma loge, je me suis dit: « C’est terminé, je n’en peux plus. » J’ai interdit à Claude Carrère de sortir cette chanson. Quelques semaines plus tard, j’ai rencontré Yves Martin qui venait de produire Chacun fait ce qui lui plaît et ma carrière a pris un nouveau tournant.

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Gala: Le public connaît moins la seconde partie de votre carrière.

Sheila: Je sais. Aux Etats-Unis, tu peux avoir soixante-dix ans, tu as toujours ta place au soleil, tu es respectée. En France, on a perdu la notion de respect. Ce qui fait l’intérêt d’un individu, c’est pourtant sa vie, ses expériences. Je trouve dommage que personne ne profite des miennes.

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Retrouvez demain dans Gala toutes les confidences de Sheila, énergique et pimpante, désireuse de passer le relais.

Par Erik Grisel

Crédits photos : Benjamin Decoin