À 34 ans et plus de 3 millions de disques vendus dans le monde, Zaz est une femme heureuse. Et qui vit ses passions… avec passion, forcément.
Gala : Vous avez 34 ans, vous êtes montée sur Paris il y a à peine huit ans et vous sortez déjà un troisième album. Avez-vous la sensation que tout est allé très vite ?
Zaz : Oui et non, j’ai surtout la sensation d’avoir déjà vécu mille vies ! J’ai traversé tellement d’épreuves, expérimenté tellement de choses qui, reconnaissons-le, m’ont donné les outils qui me permettent d’être plus équilibrée aujourd’hui. Vu de l’extérieur, mon succès peut sembler foudroyant, mais au fond le temps m’a semblé très long.
Gala : Cette année, vous vous êtes distinguée comme étant l’une des Françaises à vendre le plus de disques à travers le monde (plus de 3 millions dans plus de cinquante pays). Ça vous rend fière ?
Zaz : Je ne réalise toujours pas, c’est fou ! Vous savez, lorsque j’ai chanté en Bulgarie, par exemple, sans promo aucune, huit mille personnes m’attendaient… et ç’a été comme ça sur toutes mes dates à l’étranger. On me dit que beaucoup apprennent le français avec les textes de mes chansons car ils trouvent qu’ils prônent des valeurs humanistes. Alors plus que me rendre fière, ce public étranger me transmet une énergie folle.
Gala : Sentez-vous un décalage entre votre image en France et celle que vous véhiculez à l’étranger ?
Zaz : A l’étranger, le public est plus sensible au swing, à la musicalité, tandis qu’en France il est plus attaché aux textes. Mais le plus étonnant, c’est l’image chic que j’ai par ailleurs. En France, tantôt j’ai une image bohème, tantôt de fille des rues, ce que je n’ai jamais été dans la réalité. J’ai été découverte au moment où je chantais effectivement dans la rue, j’ai volontairement quitté des jobs confortables de chanteuse de cabaret, car, comme je le dis dans Je veux (le tube qui l’a révélée, ndlr), mon moteur n’est pas l’argent, mais l’entousiasme éprouvé dans un métier, et le désir d’évoluer. Je pense que cette image me colle à la peau en France.
Gala : Pourtant Charles Aznavour dit que vous êtes la première depuis très longtemps à être « éminemment populaire »…
Zaz : Si par populaire il entend que je suis restée proche des gens, je suis d’accord avec lui. Dans la rue, on me fait souvent cette réflexion : « Dites donc, vous êtes normale, en fait ! », comme si la notoriété devait automatiquement changer notre comportement, comme si elle devait nous pousser à jouer un rôle en public. Ça n’est pas mon cas.
Gala : Avez-vous la sensation d’avoir changé depuis vos débuts ?
Zaz : Non, je suis toujours la même, à la nuance que je me suis améliorée. J’ai seulement dû arrêter de parler fort et de chanter en marchant dans la rue. J’ai aussi abandonné mon passe-temps favori : observer, fixer, analyser, provoquer les gens. Heureusement, il y reste ceux qui n’hésitent pas à me crier : « Hey ! Zazounette, ça va ? » J’adore, ça me fait chaud au cœur.
Gala : Où en êtes-vous de la réalisation de vos rêves d’enfant ?
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Zaz : Je suis en plein dedans ! Je réfléchis, avec d’autres, à la mise en place d’un nouveau système de société, nous souhaiterions remettre l’homme au cœur de la vie et de la ville. Depuis que j’ai rencontré l’immense Pierre Rabhi (initiateur du Mouvement Colibris, reconnu expert international pour la lutte contre la désertification, il est l’un des pionniers de l’agriculture écologique en France, ndlr), j’ai compris de quelle manière je pourrais être utile. De plus, être dans le système, n’est-ce pas le meilleur moyen pour (tenter de) changer le monde ? Je commence modestement à reverser tout l’argent des ventes de mes produits dérivés à l’association Colibris.
Gala : Vous aviez donc deux rêves : être chanteuse, et vous rendre utile à la société ?
Zaz : Oui. J’ai toujours su que je serais chanteuse, parce que c’est ma passion, ça me rend vraiment heureuse. Et j’ai toujours su que j’intègrerais un mouvement militant. Car mon moteur, ce qui m’anime en tant que chanteuse, c’est cette envie de changer ce monde, celui qui m’a pénalisée lorsque j’étais enfant, celui qui m’a déscolarisée. Rendez-vous compte, dans le système scolaire actuel, un enfant trop vivant est diagnostiqué hyperactif. Le drame de l’Education nationale est de ne pas prendre en compte les particularités. On se doit d’être assis sur une chaise, apprendre par cœur ses leçons et devenir ce que l’on attend de vous, c’est-à-dire un petit soldat du monde économique. Toute velléité créative ou artistique est niée. Quand à l’apprentissage de la vie, n’en parlons pas, il est inexistant. Je pense sincèrement qu’il y a différentes pédagogies possibles, un enfant n’apprend jamais mieux que s’il s’amuse. Aujourd’hui il a peur, s’il n’a pas de bonnes notes, il ne méritera pas l’amour de ses parents, ni celui de la société. Ça peut être destructeur.
Gala : Avec votre nouvel album, vous chantez Paris, et l’immense Quincy Jones l’a produit. Parlez-nous de cette collaboration aussi étonnante qu’extraordinaire…
Zaz : Mes fans me réclamaient un disque de reprises depuis longtemps. Un jour, en réunion avec ma maison de disques, je me suis dit qu’il serait bon de remercier cette capitale – symbole de la liberté – qui m’a permis d’y arriver en reprenant des chansons mythiques louant la ville. Et aussi de faire appel à Quincy, la référence internationale en matière de jazz. Evidemment, ils m’ont ri au nez, mais ont tout de même fait la demande. A la surprise générale, il a aussitôt dit oui ! Puis Aznavour a accepté de chanter un duo avec moi, Thomas Dutronc aussi, Nikki Yanofsky, jeune prodige – et protégée – de Quincy Jones, aussi. Pour moi cet album est un énorme bonbon ! J’ai adoré travailler avec un big band, j’adore forcément la couleur musicale de Paris, j’ai bu du petit-lait pendant l’enregistrement, et je continue à en boire car il me permet d’écumer les festivals de jazz.
Gala : Quincy Jones dit de vous : « Elle a des racines blues dans la voix, on la jurerait tout droit sortie du ghetto ». Qu’entend-il par là ?
Zaz : Je pense que lorsque je chante, il voit ma part sombre et entend mon expérience de vie. Un homme comme lui, qui vient justement du ghetto, on ne le trompe pas : il est capable de percer l’âme de n’importe qui d’un seul regard.
Gala : Où en êtes-vous de votre estime de soi ?
Zaz : Avant j’avais le cœur fermé, quand on voulait me donner de l’amour, j’étais incapable de le recevoir et de le ressentir. Avec le temps, je suis passée de victime pessimiste à actrice de ma vie optimiste. Aujourd’hui, je suis plus tolérante avec moi-même, j’en ai fini avec l’autoflagellation… La notoriété m’a poussée à me regarder avec douceur et bienveillance. J’arrive même à me dire : « Tu es quelqu’un de bien, tu fais au mieux pour toi et pour les autres ». Et je ne perds pas de vue mes deux objectifs : être épanouie et aider autrui.
Gala : Votre sincérité, est-elle une fragilité pour la chanteuse médiatisée que vous êtes ?
Zaz : Non, je crois juste que ma sincérité peut en agacer plus d’un… Comme les gens heureux et bien dans leur peau peuvent agacer. C’est comme ça, c’est humain.
Gala : Que désirez-vous transmettre à vos enfants ?
Zaz : En priorité, je leur apprendrai à s’aimer, à se respecter et à ne jamais faire aux autres ce qu’ils n’aimeraient pas qu’on leur fasse. A ne pas avoir trop d’attentes envers l’autre, afin d’éviter les déceptions. Et si déception il y a, à ne pas en vouloir à l’autre ni être rancunier. J’aimerais que mes enfants soient sincères et authentiques. Bref, je tenterai de leur transmettre toutes les valeurs d’amour, de partage, et de respect, qui sont, à mes yeux, les meilleures armes pour affronter la société.