Après un album chanté par Rachida et écrit par Eric, le couple est à l’affiche des Mouvements du bassin, première fiction de HPG, réalisateur et acteur porno. Décidément, ces deux-là n’en font qu’à leur tête, deux vraies graines «d’ananar», comme aurait dit Ferré.
Derrière la caméra Hervé-Pierre Gustave, plus connu sous l’acronyme de HPG. Réalisateur, acteur et producteur de plus de six cents films pornographiques, spécialisé dans le gonzo, quand il fait appel à Rachida Brakni et Eric Cantona pour interpréter les personnages de sa première fiction, ces derniers répondent « présent ». Sans contrepartie financière. Simplement parce que l’honnêteté et la liberté de HPG trouvent un écho en eux.
Gala: Comment avez-vous rencontré HPG ?
Rachida : Tout est parti d’un court-métrage où il posait la question « Qu’est ce qu’un acteur ? » (Hypergolique, en 2003, ndlr). J’avais été touchée et par le bonhomme et par sa démarche. Puis j’ai fait une participation dans un de ses films (On ne devrait pas exister, en 2006, ndlr). C’était juste une journée de tournage, mais j’en gardais un souvenir à la fois étrange et très chouette. Alors, quand il m’a contactée pour me dire qu’il avait écrit un truc en pensant à moi, j’ai été surprise et curieuse. J’ai lu. Et j’ai adoré le personnage, l’humour, l’univers…
Eric : Comme le dit Rachida, c’est un artiste total qui a vraiment quelque chose à raconter et à défendre. Après, on entre ou pas dans son monde, mais une chose est certaine, c’est quelqu’un d’authentique qui ne cherche pas à sortir de l’ordinaire, ou à chercher la provocation gratuite. Il ne joue pas, il est. Cette sincérité-là me touche.
Gala : Il y a quelques années, Eric, vous aviez réalisé un court-métrage sur la folie adapté d’une nouvelle de Bukowski. Comment expliquez-vous tous les deux votre attirance pour les univers et les personnages borderline ? Est-ce qu’il y a chez vous deux un besoin ou un désir de rébellion, de transgression ?
Rachida : Pas pour ma part. En revanche, en tant que comédienne, je n’aime pas être dans un confort, dans une routine. Aujourd’hui, on est de plus en plus dans un monde cloisonné, compartimenté, consensuel, où on a peur de tout, rien ne dépasse. Je ne m’y reconnais pas.
Eric : En même temps qu’une peur panique, moi j’ai toujours eu une grande fascination et attirance pour la folie, c’est vrai. Depuis toujours.
Gala : Est-ce que le fait, que quand vous étiez gamin, votre père travaillait dans un hôpital psychiatrique a joué dans cette fascination ?
Eric : Je crois que c’est beaucoup plus ancien et plus profond… Mais je vais vous dire une chose : bien plus que celui qui s’invente un monde, c’est celui qui s’abrutit devant sa télévision qui me désole. Ça c’est la vraie folie pour moi. On vit dans un monde où l’enfermement est inversement proportionnel à l’illusion de liberté qu’on nous donne.
Gala : Dans le film, Rachida, vous êtes homosexuelle, vous embrassez une femme, vous vous dénudez… Comment votre famille vit-elle cela ?
Rachida : Il y a une sorte d’accord tacite entre nous, presque de l’ordre du jardin secret. Mes parents ne voient mes films que quand je les y invite. Ce n’est pas une question de tabou – ils m’ont d’ailleurs toujours laissée libre, m’ont toujours fait confiance –, c’est simplement une forme de pudeur.
Gala : Vous n’avez aucune scène en commun dans Les mouvements du bassin, cependant depuis quelques années, vous travaillez de plus en plus souvent ensemble. Est-ce la meilleure façon de nourrir une histoire ?
Eric : Plus que de faire ou pas ensemble, ce qui nous est nécessaire, en tout cas, c’est d’échanger.
Rachida : Nous ne sommes pas à la recherche de ça absolument, mais quand l’occasion se présente et que ça en vaut la peine, ce serait dommage de s’en priver. Bosser avec Eric, moi, j’adore.
Gala : Pensez-vous parfois que votre rencontre était écrite ? Que vous n’auriez pas pu passer à côté l’un de l’autre ?
Eric : Elle ne pouvait pas passer à côté de moi, c’est évident. (Ils se marrent.)
Rachida : Mektoub… (Le destin, ndlr.)
Eric : Je ne crois pas à la réincarnation pourtant j’aime me dire qu’on était destinés à se retrouver car on s’était perdus dans une vie antérieure. Je trouve ça beau.
Gala : Qu’avez-vous appris aux côtés de votre femme, Rachida ?
Eric : Qui je suis.
Gala : Vous a-t-elle donné le supplément de confiance en vous qu’il vous manquait ?
Eric : Oui. Certainement.
Rachida : Moi, je sais que l’amour ne me rend pas aveugle, je suis extralucide sur ce que fait Eric, ce qu’il produit, et c’est merveilleux d’être avec quelqu’un qui est toujours en mouvement, en mutation, qui ne cesse de vous étonner. Se dire qu’on n’en a jamais fait le tour…
Eric : Cela vaut aussi pour moi. L’admiration est là. Quand je te vois sur scène, être à ce point musicienne, sans connaître la musique, ça m’étonne et m’épate.
Rachida : Je ne supporterais pas d’être avec quelqu’un d’aseptisé, de formaté. Et puis marre des métrosexuels ; moi, j’ai envie d’un homme qui respire la testostérone, qui fait que je me sens femme. C’est peut être bête de dire ça, mais c’est ce que je ressens. J’ai besoin d’être avec quelqu’un que j’admire, mais aussi d’être avec un « bonhomme », et de me sentir en sécurité !
Gala : Si vous ne vous étiez pas rencontrés, auriez-vous fait le même parcours ?
Eric : Je ne pense pas, non. Etre deux nous donne de la force, de l’audace. On trouve notre équilibre émotionnel dans le fait de créer. Les gens sont souvent frileux et restent dans le commentaire. Nous, on ose aborder des univers dans lesquels on ne s’était jamais aventurés. D’autant qu’on a la chance et la liberté de faire les choses – je pense, par exemple, à l’album de Rachida –, comme on en a envie. Sans avoir de comptes à rendre autres qu’artistiques. C’est un vrai luxe.
Rachida : Et cela nous donne chaque fois envie d’aller un peu plus loin. D’oser davantage…
Eric : Aujourd’hui plus qu’hier et sans doute moins que demain.
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