Au Gabon, Julie Nyangui, la quarantaine, fait figure de pionnière. Avant elle, personne n’avait envisagé une activité dans la fabrication artisanale de chocolats et encore moins avec du cacao local. Guidée par sa passion, elle a, en dix ans, appris à maîtriser la production de A à Z. Un fait rare en Afrique, et particulièrement au Gabon, où la plupart des produits alimentaires sont importés du Cameroun voisin.”Avant, je faisais venir du chocolat d’Europe et de France, mais un jour une dame m’a dit ‘pourquoi ne pas faire du chocolat ici ?’ Alors, j’ai commencé à en faire avec des fèves du Gabon“, confie la chef d’entreprise à l’AFP. Depuis, celle qui se présente comme une “autodidacte” gère elle-même sa plantation de cacaoyers à une quarantaine de kilomètres de Libreville, au Cap Esterias, le long de l’océan Atlantique. Là, à proximité du luxuriant parc national Raponda Walker, les arbres vertigineux dominent une nature verdoyante.Trente familles environ vivent grâce à l’entrepriseJulie Nyangui évoque son irrésistible attrait pour le chocolat. Dans ses préparations, elle décline les saveurs fraîches de la cannelle, citron, poivre, fruits rouges de la forêt, banane, café, badames – “l’amande des Tropiques” – ananas, piment, dans un chocolat noir à 80% de cacao et mais fabrique aussi des pralines au miel ou au curcuma. “J’ai suivi deux formations flash et je me suis améliorée avec le temps. J’invente de nouvelles recettes, c’est une aventure passionnante, mais c’est un travail rigoureux et tout doit être parfait“, explique-t-elle, fière d’employer aujourd’hui dans sa start-up 18 personnes, principalement des femmes. L’ensemble des équipes de Julie, selon elle et son époux français Hervé Ambiehl, “font vivre 30 familles“.

Machette à la main, les employés de la plantation de Julie Nyangui débroussaillent et vérifient la bonne croissance des jeunes plants de cacao, le 8 juin 2019). (SONIA BAKARIC / AFP)

Les Bakota, peuple pygmée autochtone appartenant à la célèbre “Forêt des Abeilles”, sont de précieux auxiliaires dans la plantation. Ils nettoient, participent à la cueillette des cabosses et surveillent le rendement des citronniers et autres arbres fruitiers dont la créatrice se sert.Le déclic écologiqueAprès dix ans de travail intense dans sa plantation, autrefois utilisée pour la culture du manioc, Julie Nyangui change son approche. Elle décide de monter un projet de production de cacao durable. Son modèle s’inspire de l’exemple villageois des plantations de sa grand-mère et s’appuie la connaissance ancestrale des Bakota, renforcée par un bon sens paysan appliquant les nouvelles techniques d’agroforesterie. L’expérience acquise lui permet d’être aujourd’hui simplement pragmatique.Plusieurs variétés de cacao poussent dans sa plantation : Criollo aux arômes intenses et complexes, cabosses petites et généreuses, Forastero acidulées, fruitées et riches en beurre de cacao, et Trinitario, mélange robuste issu de ces deux variétés. Chaque cabosse est précieuse. Elle contient les fèves croquantes au goût de kiwi, qui seront torréfiées avant d’être moulues et fondues. Le chocolat sera finalement coulé dans des moules spéciaux. Des créations récompensées à Pérouse (Italie) en 2015.Dans sa boutique de Libreville, où se pressent des clients friands de produits locaux, Julie Nyangui, ceinte d’un tablier noir, s’active autour de ses gelées au citron et fruits rouges de la forêt, histoire de diversifier son offre. Mais le chocolat, pour le moral c’est tous les jours. Foi d’experte.