Après les pays de l’Est, l’industrie du cinéma devient une arme anti-crise à l’Ouest. Dernier exemple: la cité du cinéma de Détroit qui assure le renouveau économique de l’ex-fief de l’automobile. Quant à la France, elle attend son « Dyonywood » du 93.

La reprise de l’auto ce n’est pas pour demain, en revanche, l’Hollywood de Detroit, ça roule plutôt bien. C’est le constat que USA Today, repris par Courrier International, a longuement fait, à travers une enquête consacrée à la success story du pôle cinéma dans le Michigan.

Concrètement implantée à coups de subventions dans cet état sinistré par la crise de l’automobile, secteur qui était jusque là son fleuron, depuis 2008. Et alors que le chômage y atteint des records pour le nouveau continent, avec un taux de 15%, l’industrie du rêve se transforme en dollars bien réels…

Pour preuve, le nombre de films qui tournés chaque année dans les environs de Détroit, en perpétuelle augmentation. Et ce grâce à un crédit d’impôt pouvant aller jusqu’à 42%. Ainsi, peut-on lire dans cet article, en 2007, avant l’introduction de ce cadeau fiscal, « 2 films ont été tournés dans l’Etat, pour 2 millions de dollars. L’année suivante, on est passé à 35 films, soit 125 millions de dollars (…). Pour 2009, 85 ont déjà été réalisés ou sont en passe de démarrer. »

Ainsi, rapporte encore USA Today, les stars hantent les lieux. Mais la seule présence de George Clooney,

, Clint Eastwood ou

ne suffisent pas à remplir les portefeuilles et les estomacs. Des anciens entrepreneurs de l’automobile se reconvertissent dans l’industrie du 7e art et l’ex-main-d’oeuvre des chaînes d’usines se forme aux techniques du cinéma, d’électro à maquilleur, en passant par cadreurs. Car, c’est toujours moins

pour un producteur d’avoir une équipe locale.

Le Michigan passe même la vitesse supérieure avec l’installation de deux studios. Detroit Center Studio (pour 86 millions de dollars) et Motown Motion Picture Studio qui totaliseront près de 6 000 emplois!

Du coup, ce modèle d’industrie complémentaire fait rêver dans le monde entier. Certes,un studio de ciné ne remplacera pas totalement la pompe à dollars de chaînes automobiles qui tournent à plein régime. De même, certains projets restent longtemps du domaine… du rêve. Ou sont déclarés morts avant même le tournage d’une première scène.

C’est le cas de l’Hollywood Du Désert de Jamel Debbouzze. Le beau dessein devait se concrétiser voilà déjà 5 ans, mais depuis, aucune nouvelle sous le soleil du Maroc. Mais trouver des investisseurs n’est pas une mince affaire, même si l’on a, comme Jamel, du talent, de la fougue et de prestigieux parrains tels que Gérard Depardieu ou Luc Besson.
Ce dernier, justement, suscite en revanche plus qu’un fol espoir en région parisienne. Parfois décrié mais bougrement déterminé, ce qui mérite plus qu’un coup de projo, le scénariste-réalisateur-producteur est sur le point de gagner challenge sur lequel plus d’un n’aurait pas parié un kopeck il y a plus de 9 ans quand le bouillonnant Luc avait révélé son ambition secrète…

Luc Besson qui avait dû s’exiler dans les fameux studios britanniques de Pinewood (dernier des Mohicans en Europe de l’Ouest) pour tourner son Cinquième Elément, devrait réussir à ouvrir son Hollywood-sur 9–3!

C’est en effet en Seine-Saint-Denis, sur les ruines d’une usine EDF désaffectée, que Luc Besson a imaginé un « concept inédit en France ». Y seront réunis tous les corps de métiers, de la chaîne de production, depuis l’écriture des scenarii, jusqu’à la post-production, en passant par le développement, la fabrication des décors et le tournage. Là encore, des emplois réservés en priorité à des locaux seraient à la clé…

D’un coût estimé à 160 millions d’euros, cette cité réunira en 2012 neuf plateaux de tournage mais aussi des bureaux, une salle de projection, un lieu de réception, un restaurant, ou encore des ateliers et l’école de cinéma Louis-Lumière.

Objectifs avoués de ce « Dyonywood »: proposer aux prods françaises le top des équipements et savoir-faire à deux pas de la capitale. Et du coup, griller la politesse aux concurrents d’outre-Manche et d’outre-Rhin (avec Bavaria, à Berlin)… Voire espagnols (Alicante) ou des pays de l’Est. La Roumanie ou la République Tchèque, pour ne citer qu’elles, « captent » une bonne partie du marché, séduisant également les producteurs US…. Non seulement en raison des bas coûts proposés, mais aussi des infrastructures complètes qui sont mises à leur disposition sur place.

D’où l’intérêt de cette plateforme cinématographique sur la zone Plaine Commune, à deux pas d’un Paris qui fait toujours autant rêver. Tout en sauvegardant, il faut bien s’en souvenir, un pôle historique de la Seine-Saint-Denis: Epinay-sur-Seine, Saint-Ouen et, surtout côté télé, Aubervilliers, ont abrité une foule de plateaux de tournage. Mais la région parisienne du XXIe siècle était privée d’un grand lieu unique pour cette source d’activités… Et d’un pôle qui, rappelons-le, génère quelque chose qui n’a pas de prix: la création.

Jean-Frédéric Tronche

Lundi 5 septembre 2009