Choquée par l’indifférence dont fait preuve la communauté internationale face à la crise en République centrafricaine, Médecins Sans frontières lance un nouvel appel et demande des moyens humains et financiers pour venir en aide à la Centrafrique dont la crise récente n’a fait qu’aggraver une situation déjà très difficile pour les populations.
Enfant blessé pris en charge à l'hôpital de Bangui en Centrafrique (Crédit : Laurence Geai/SIPA).
De passage à Paris, Marie-Elisabeth Ingres, chef de mission à MSF, a témoigné de l’horreur dont sont victimes chaque jour des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, dans l’indifférence générale : massacres, tortures, déplacements, exodes… Cela fait maintenant plus d’un an que les populations centrafricaines vivent dans la peur.“La situation était déjà difficile, et les violences qui font suite au coup d’Etat en République Centrafricaine (RCA) intervenu en mars 2013 n’ont fait qu’aggraver les choses en province“, souligne-t-elle. Si la situation est légèrement plus “acceptable“ qu’en décembre et janvier derniers, où les affrontements quotidiens faisaient plus de mille blessés par jour, certains quartiers restent le théâtre de violences inouïes.“Nous assistons à une évolution de la violence, avec la participation des populations civiles aux combats“. Si les hommes restent les premières cibles, femmes et enfants ne sont pas épargnés, et les blessures par balles, à la machette ou la grenade sont souvent atroces, comme en témoigne Marie-Noëlle Rodrigue, directrice des opérations à MSF, de retour de RCA. “Ce qui se passe en RCA est choquant. Nous avons l’habitude de travailler dans des contextes très violents mais là, même les plus aguerris d’entre nous ont rarement vu un tel niveau de violence. La vulnérabilité sécuritaire et sanitaire des populations est absolue“.RCA : une situation humanitaire et médicale catastrophiquePour les 85 expatriés et environ 600 centrafricains qui travaillent pour MSF-France en RCA, le manque de personnels soignants, les ruptures de stocks de médicaments – dues aux pillages des structures mais aussi à l’absence de moyens logistiques et financiers pour leur transport -, et la violation du droit humanitaire international compliquent considérablement leur travail.“A l’hôpital communautaire, on pouvait recevoir des blessés. Mais l’intrusion d’hommes armés à l’intérieur de l’établissement constitue une menace permanente.“ Une situation qui n’est certes “pas inédite mais qui renforce les difficultés d’apporter les soins de santé aux blessés“, souligne Marie-Elisabeth Ingres. Du coup, “nous avons des équipes chirurgicales mobiles pour nous déplacer au plus près des populations, mais cela nécessite des moyens importants“.Et les moyens, qu’ils soient humains ou financiers, font cruellement défaut. “Nous avons besoin de plus d’acteurs humanitaires pour agir sur le moyen terme“. Mais ce que réclame MSF, c’est surtout “un engagement politique“. “Cela fait des années que MSF plaide pour la Centrafrique, mais c’est un pays qui n’intéresse pas la communauté internationale“, déplore Marie-Elisabeth Ingres. Et Marie-Noëlle Rodrigue de renchérir : “La situation humanitaire et médicale était déjà catastrophique avant le coup d’Etat. Depuis un an, elle ne fait qu’empirer. Nous le savons, la crise en RCA durera encore un moment. Or aujourd’hui, sur le terrain, nous sommes encore trop peu nombreux pour répondre à la masse des besoins. Pourtant, l’urgence perdure.“En RCA, l’espérance de vie est de 48 ansTrès fortement endémique, le
paludisme reste la première cause de mortalité, notamment chez les enfants. MSF poursuit ses programmes préventifs et thérapeutiques entamés avant la flambée de violence, qui incluent des soins gratuits pour les enfants. Les infections respiratoires, les
diarrhées, la malnutrition chronique, le manque d’eau potable et l’infection au
VIH font également des ravages dans ce pays où l’espérance de vie est la 2ème plus faible au monde (48 ans) et où sur 1 000 enfants, 129 n’atteindront pas l’âge de 5 ans.Heureusement, MSF est là et compte bien poursuivre et même accroître ses activités en 2014. “On compte rester et répondre aux urgences et poursuivre notre plaidoyer“, affirme Marie-Elisabeth Ingres.Amélie Pelletier
Sources
– “Urgence Centrafrique – Un an d’escalade de la violence“. Dossier de presse de MSF, 19 mars 2014.
– Entretien avec Marie-Elisabeth Ingres, chef de mission à MSF, le 19 mars 2014.Photo : Marie-Noëlle Rodrigue (Crédit: Rémy de la Mauvinière/AP/SIPA)