L’Assemblée Nationale a voté le 10 mars 2009 de nouvelles mesures sur la prévention de la consommation d’alcool chez les mineurs. Interdiction de la vente d’alcool aux moins de 18 ans et des open bars, limitation de la vente en stations-service, autant d’initiatives qui peuvent contribuer à la diminution de l’alcoolisation excessive des jeunes et à la prévention de l’alcoolisme. Cependant l’autorisation simultanée de la publicité pour l’alcool sur internet suscite des interrogations.
“Boire un petit coup c’est agréable“, disait la chanson. Mais concernant les jeunes, comme les adultes d’ailleurs, cela peut aussi et surtout être dangereux : comportements à risques, comas éthyliques, traumatismes, glissement vers l’alcoolisme… Si la consommation d’alcool est un phénomène culturel depuis des siècles en France, elle est également un problème de santé publique majeur. De plus, depuis quelques années un nouveau phénomène inquiétant est apparu, le binge drinking, consommation massive et rapide d’alcool de plus en plus prisée des mineurs. La limitation de ce phénomène est une des motivations du travail des députés dans le cadre du vote parlementaire de la loi Hôpital, Patients, Santé et territoires.
Interdiction de vente d’alcool aux mineurs, un encouragement à la modération ?
Afin d’éviter une consommation d’alcool de plus en plus précoce et une habitude à boire pour s’enivrer chez les plus jeunes de plus en plus fréquente, la nouvelle loi présentée par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot interdit donc toute vente de boissons alcoolisées aux jeunes de moins de 18 ans, contre 16 ans actuellement. Cette interdiction devrait permettre une diminution de la consommation globale d’alcool chez les plus jeunes, alors que “le nombre d’hospitalisations pour ivresse de mineurs de moins de quinze ans a augmenté de 55 % entre 2004 et 2007“, selon le député socialiste Jean Mallot à l’Assemblée. Il est tout de même difficile d’imaginer les commerçants et barmen contrôler systématiquement la date de naissance des jeunes à chaque achat d’alcool, mais la menace de sanctions financières devrait permettre une application correcte de cette mesure.
Il est à noter que le texte interdit la vente et non la consommation d’alcool. Il ne s’agit donc pas d’une prohibition complète qui aurait probablement davantage incité les adolescents à la transgression, comme on peut le constater depuis des décennies avec le cannabis…
La fin des open bars, un pas supplémentaire vers la diminution du binge drinking ?
L’Assemblée Nationale a voté un amendement interdisant “d’offrir gratuitement à volonté des boissons alcooliques dans un but promotionnel ou de vendre des boissons alcooliques au forfait (les open-bars)“. Les soirées open bars sont l’occasion pour les jeunes d’ingérer des quantités importantes d’alcool et font peser le soupçon d’une volonté des producteurs de rendre dépendants les jeunes. Cette interdiction renforcerait donc la lutte contre le binge drinking, d’autant que l’interdiction couplée de la vente aux mineurs permettra a priori d’éviter de déplacer le problème (achat et ingestion massive d’alcool avant de sortir par exemple).
Par contre, “les dégustations en vue de la vente ne sont pas concernées, de même que les foires et les fêtes dans lesquelles on peut déguster des boissons alcoolisées à titre gratuit ou contre une somme forfaitaire“, au grand soulagement des viticulteurs qui n’avaient pas ménagé leurs efforts de lobbying ces dernières semaines auprès des députés des grandes régions productrices, de gauche comme de droite.
La limitation de la distribution d’alcool en stations-services, avancée ou reculade ?
Même si elle ne concerne pas directement les mineurs, la vente d’alcool dans les stations-services est probablement un facteur notable d’accidents de la route. Or on ne compte plus les drames impliquant des jeunes alcoolisés au volant, avec des passagers parfois mineurs. Prévue pour être totale dans le texte initial du projet de loi, l’interdiction de vente d’alcool en stations-service n’a finalement été que majorée (entre 18 et 8 heures du matin, contre 22 et 6 heures actuellement), afin de “tenir compte des spécificités locales et du maintien des petits commerces“, selon Roselyne Bachelot, ministre de la Santé. Cette dernière précise également que “la vente de boissons alcooliques réfrigérées reste strictement interdite, car elle incite à une consommation immédiate“.
Malgré cet empêchement de la consommation de bière fraîche en roulant, il est difficile d’oublier que l’alcoolisme est toujours la première cause de décès au volant, ce qui rend vraiment incongru ce maintien partiel de la vente d’alcool au bord de la route, même pour protéger les commerces de carburant…
De la pub pour l’alcool sur le net, gâchis en perspective ?
Les mesures énumérées ci-dessus, même si elles ne sont pas assorties de décisions nécessaires en faveur d’une meilleure politique d’éducation et de prévention, devraient permettre une diminution de la consommation d’alcool par les mineurs… Du moins c’est ce que l’on pouvait penser jusqu’au vote dans cette même loi de l’autorisation de la publicité pour l’alcool sur internet ! Certes, cette mesure comble un vide juridique existant depuis la loi Evin de 1991, loi restreignant la publicité pour l’alcool et écrite à une époque où internet n’était encore qu’un fantasme scientifique. De plus, le texte précise que de telles annonces commerciales ne seront pas autorisées sur les sites destinés à la jeunesse, aux sports, à l’activité physique et dans les pop-ups (ces fenêtres qui s’ouvrent de manière intempestive sur le web).
Mais cette autorisation, qui ravit les viticulteurs, pose tout de même des questions : qu’est-ce qu’un site “destiné à la jeunesse“? Une grande partie des collégiens passe déjà plusieurs heures par jour sur internet, comment peux-t-on imaginer qu’ils ne vont que sur des sites jeunesse ou sport ? Ne s’informent-ils pas ailleurs, ne jouent-ils pas en ligne, ne chattent-ils pas à partir de portails généralistes, ne consultent-ils pas des sites de musique ou people, des plate-formes d’hébergement de vidéos ? Donc comment dire aux jeunes “achat d’alcool interdit“ et en même temps exposer ces mêmes jeunes à des messages répétés signifiant “achetez de l’alcool“ ? Le texte original prévoyait une autorisation de publicité sur les “sites des producteurs, distributeurs et organisations professionnelles“, n’était-ce pas beaucoup plus logique et raisonnable ?
Sous réserve de modification au Sénat et malgré l’absence concomitante de mesures éducatives de prévention (renforcement de la médecine scolaire par exemple), cette loi fait tout de même espérer une prise de conscience supplémentaire des jeunes des dangers de l’alcool et une baisse de leur consommation, voire des ivresses…
Jessica Xavier et Jean-Philippe Rivière
Sources :
– Site de l’Assemblée nationale, séances du lundi 5 et 9 mars 2009- Roselyne Bachelot à l’Assemblée Nationale le 10 mars 2009, © WITT/SIPA