Après 20 ans d’échec, les résultats positifs d’une étude menée en Thaïlande relance l’espoir d’un vaccin contre le VIH/sida. A la veille du congrès mondial sur ce thème, nous revenons sur l’enjeu d’une telle arme thérapeutique, les récentes controverses ainsi que les pistes de recherche.

Du 19 au 22 octobre 2009, la plus grande conférence scientifique mondiale consacrée à la recherche sur le vaccin contre le VIH/Sida se déroulera à Paris. Au total, plus de 1 000 scientifiques, représentants communautaires, financeurs et décideurs du monde entier vont échanger sur ce thème. Cette année, ce rendez-vous revêt un caractère particulier puisqu’après des années d’échec, les premiers résultats positifs suscitent un nouvel espoir.
Face au sida, le vaccin reste essentiel
En 2007, on a compté 33,2 millions de personnes vivant avec le VIH, 2,7 millions de nouvelles contaminations et 2,1 millions de décès (1). Et même si l’accès aux traitements s’améliore dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, il ne permet aujourd’hui de fournir une prise en charge qu’à 4 millions de personnes. A l’inverse, 5 à 6 millions de séropositifs restent démunis (2). Pire : quand une personne bénéfice des traitements, près de 3 (2,7 à 2,8 en moyenne) sont contaminées dans le même temps… On comprend aisément que pour infléchir l’évolution de la pandémie, d’autres solutions sont nécessaires. Parmi elles, le vaccin est l’une des plus attendues.
Mais les annonces successives d’une mise au point imminente ont usé les espoirs des premières années mais aussi l’enthousiasme des financeurs… C’est dire si après 20 ans d’échecs successifs, les résultats positifs fin septembre 2009 redonnent de l’énergie à ce domaine de recherche, actuellement très dynamique.
“Longtemps deux visions se sont opposées : d’un côté, certains jugeaient que le vaccin ne pourrait jamais être trouvé. A l’inverse, d’autres déclaraient qu’avec suffisamment d’argent, le vaccin pourrait être trouvé en trois ans. Aujourd’hui, la vérité est certainement entre ces deux extrêmes“ souligne le Pr. Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence française de recherche sur le sida et les hépatites (Anrs) (3).
L’essai Thaï, un réel succès ?
Longtemps, différentes équipes de recherche ont prématurément annoncé la création imminente d’un vaccin imminent contre le VIH… pour finalement faire machine arrière. Le plus cuisant échec est sans conteste celui de l’étude conduite par le laboratoire pharmaceutique Merck. En 2007, ce vaste essai avait dû être arrêté brutalement, les contaminations étant plus importantes chez les vaccinés (4). Certains ont bien cru que ce coup de tonnerre allait signifier l’arrêt progressif de la recherche vaccinale contre le VIH/Sida. Les fonds dédiés à cette voie de recherche avaient chuté de 10 % entre 2007 et 2008.
Mais fin septembre 2009, les résultats partiels de l’essai “Thaï“ (5) commencé en 2003 relancent l’espoir (6). Plus de 16 000 hommes et femmes, séronégatifs, âgés de 18 à 30 ans, à risque moyen d’infection ont été divisés en deux groupes : le premier a reçu la combinaison de deux candidats vaccins ALVAC-HIV (administré en 4 injections) et AIDSVAX (administré en 2 injections). L’utilisation de deux produits différents selon une stratégie de vaccinations séquentielles (stratégie Prime Boost) a pour but de stimuler davantage la réponse immunitaire. Le second groupe a reçu des “injections placebo“ (dénué de principes actifs).Tous ont bénéficié d’un important programme de conseil et d’information sur la prévention, accompagné de distribution de préservatifs. Après 3,5 ans de suivi en moyenne, les chercheurs ont recensé peu d’infections : 125 en tout. Parmi celles-ci, 51 ont reçu les candidats vaccins, 74 le placebo. La diminution du risque d’infection induite par le vaccin serait de 31 %. Aucune différence de charge virale n’a été observée entre les deux groupes chez les personnes infectées.
Mais associations et chercheurs ont à peine eu le temps de se réjouir que début octobre, le blog du magazine scientifique Science (7) puis le Wall Street Journal (8) rapportent qu’une seconde analyse non communiquée de l’étude fait état d’un bénéfice moindre et statistiquement non significatif… Le 20 octobre, la présentation détaillée des résultats définitifs dans le cadre du congrès Aids Vaccine 2009 devrait permettre d’y voir plus clair.
Mais au-delà de cet essai, le congrès devrait réserver d’autres surprises. “Il permettra de faire le point sur la recherche fondamentale et la recherche clinique (autres essais en cours). De nouvelles voies de recherche prometteuses concernent les contrôleurs d’élite (les personnes infectées qui parviennent spontanément à contrôler la réplication du virus sans aucun traitement), le ciblage des cellules dendritiques – des cellules particulières de l’immunité -, certaines susceptibilités génétiques…“ précise Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine 2008 et co-présidente du congrès (3).
Le vaccin désormais considéré comme un élément d’une prévention globale
La mise au point d’un vaccin empêchant toute infection reste lointaine et les experts pensent aujourd’hui qu’on s’oriente plus vers “des“ vaccins contre le sida capables de réduire le risque de contamination (sans l’empêcher totalement). Cette protection partielle participerait à une stratégie plus globale de prévention, qui impliquerait l’information et l’utilisation du préservatif, la circoncision mais aussi d’autres armes actuellement en développement comme les microbicides anti-VIH, la prophylaxie pré-exposition… “L’addition de ces outils, de ces différents programmes pourrait permettre de casser la courbe de l’épidémie“ conclut le Pr. Jean-François Delfraissy. Encore faut-il que les fonds nécessaires soient au rendez-vous, ce qui est actuellement loin d’être le cas, en particulier en Europe (9).
Mais pour prouver l’efficacité de ces vaccins, de vastes essais cliniques sont nécessaires, des essais coûteux que seuls des partenariats privés-publics (laboratoires, fondation caritatives, autorités nationales et supranationales…) rendent possibles.
David Bême
1 – Rapport 2008 sur l’épidémie mondiale de Sida – Onusida 2 – Rapport “Vers un accès universel : étendre les interventions prioritaires liées au VIH/sida dans le secteur de la santé“ publié par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA)3 – Conférence de presse d’annonce de Aids Vaccine 2009 – 13 octobre 20094 – “ Data from STEP Study Presented at Open Scientific Session Confirm Merck’s Investigational HIV Vaccine was not Effective“ – Communiqué des laboratories Merck 5 – L’étude a été conduite en partenariat avec le Ministère Thaï de la santé publique, le US Military HIV Research Program, le NIAID (National Institute of AIDS and Infectious Diseases), les sociétés Sanofi Aventis Pasteur et Global Solutions for Infectious Diseases.6 – Communiqué de l’ANRS, de l’OMS, de Sanofi Pasteur – 24 septembre 20097 – “Unrevealed Analysis Weakens Claim of AIDS Vaccine “Success““ – Science Insider – 8 – “Data Call Into Question HIV Study Results“ – Wall Street Journal – 12/10/09 9 – L’essai Thaï à lui seul a coûté près de 150 millions de dollars. Ce qui représente plus que le budget annuel de l’Europe dédié à la recherche d’un vaccin contre le sida.Click Here: camiseta rosario central