Absent des plateaux depuis “Basic” en 2003, John McTiernan se livre à une petite leçon de cinéma et évoque les grands films de sa carrière, de “Die Hard” au “13e Guerrier” en passant par “The Political Prosecutions of Karl Rove”, un documentaire dénonçant les agissements de l’admnistration Bush…
NDRL – Depuis cette interview, réalisée en 2009, John McTiernan a officiellement été condamné à une peine de prison ferme dans l’affaire des écoutes illégales. Un groupe de soutien a été lancé sur Facebook la semaine dernière, à travers la page “Free John McTiernan”. L’occasion pour nous de vous proposer, si vous ne l’aviez pas lue, cette rencontre avec ce maître du cinéma d’action.
AlloCiné : Comment réagissez-vous si je vous dis que vous êtes l’un des maîtres du cinéma d’action moderne ?
John McTiernan : Je ne suis ni critique de cinéma, ni très à l’aise pour faire ma propre promotion. Je sais que certaines personnes pensent ça, tant mieux. Après, on est d’accord ou pas. Mais ce n’est pas à moi de le dire… Et quand bien même ce serait vrai, je ne fais pas des films dans ce sens, avec l’idée qu’ils deviendront des classiques. J’ai essayé de faire des films d’action qui reposent sur de vrais personnages, de vrais gens. Tout vient de Shakeaspeare pour être honnête : il a écrit de grandes pièces d’action, et il a montré comment raconter ces histoires, comment utiliser les comédiens pour raconter ces histoires, où placer l’humour… Il a tout inventé par rapport à la manière de raconter.
Vous citez Shakespeare. Est-ce que l’opéra a été aussi une influence, dans la mesure où votre père était chanteur d’opéra ?
J’ai baigné dans l’opéra, c’est vrai. Et c’en est même devenu un handicap pour moi, car les paroles et les répliques ne m’intéressent pas dans un film. Le dialogue n’est que le bruit que fait le personnage pour moi, ce qu’il dit n’est pas forcément essentiel à mes yeux. C’est une vision des choses qui m’a posé quelques problèmes durant ma carrière. Si on prend l’exemple de La Flûte enchantee de Ingmar Bergman, c’est presque un manuel sur la façon dont on doit raconter une histoire à travers des images : le film démarre de façon très simple, presque primitive avec des décors très épurés, et plus on rentre dans l’histoire plus les effets de mise en scène sont efficaces avec de longues focales, des panoramiques… Et le tout prend une dimension terrifiante. Et tout ceci sans jamais comprendre ce qui se dit, car ça n’a pas d’importance ! Ils chantent en suédois, mais vous comprenez toute l’histoire… Pour en revenir à mes films, c’est l’approche que j’ai toujours eu : mes personnages font simplement du bruit, et je ne m’intéresse pas à ce qu’ils disent concrètement.
Cette idée de “bruit” se retrouve dans beaucoup de vos films d’ailleurs, comme sur “Le 13e Guerrier” dans cette scène où Antonio Banderas tente de comprendre les Vikings…
Oui, je me suis heurté aux studios à ce sujet, car les producteurs voulaient que ce soit sous-titré… Alors que le but de la scène était justement de montrer que le personnage principal ne comprenait rien à ce que disaient les gens autour de lui ! Les studios ne m’ont pas lâché avec ça, et j’ai fini par mettre des sous-titres… Ils ont fait la même chose sur Rollerball. Ils ont vraiment fait du mal au film. Mon approche sur Rollerball, c’était de faire en sorte qu’on ne comprenne rien, car on suit le personnage américain à travers le monde, un personnage qui ne comprend pas ce que disent les gens autour de lui. Il devait être constamment entouré de gens sans comprendre un traître mot… Et ils ont voulu sous-titrer tout ça, hélas…
En parlant des producteurs, quel regard portez-vous sur l’évolution d’Hollywood depuis vos débuts ?
Il y a eu plusieurs évolutions. Déjà, quand j’ai commencé à tourner, les studios avaient vraiment pris le pouvoir et avaient commencé à rationnaliser le système de production. Ca a continué dans ce sens pour finalement prendre une autre dimension. Pour prendre une image, les supermarchés ne produisent et ne vendent pas de nourriture : ils vendent de l’espace dans des rayons. Les producteurs de nourriture doivent donc leur louer ces espaces et s’ils ne parviennent pas à vendre leurs produits, c’est leur problème car le supermarché, lui, ne perdra jamais d’argent… Il s’est passé la même chose avec le cinéma : les studios ne font pas de films, ils distribuent les films. A l’exception de quelques grosses machines supervisées par les Majors, le reste est acheté une fois les films finis. Les studios sont devenus des vendeurs d’espace, ils ne sont plus producteurs. Les exécutifs sont là pour acheter, pas pour faire du cinéma. Le business a vraiment changé à ce niveau-là…
Les films américains sont essentiellement des produits à vos yeux ?
Hollywood a toujours fait des “produits”. Et il n’y a rien de mal à faire des produits. Mais du coup, un produit suppose d’avoir une star au générique. Et seuls les scénarios qui touchent l’égo des stars trouvent preneurs. Les autres scénarios sont laissés de côté. Il y a également moins de professionnalisme dans le management des studios mais bon, je préfère m’arrêter là sur ce sujet… (soupir)
Et qu’en est-il de l’évolution technologique avec l’apparition de la CGI, du numérique, de la 3D ?
J’ai participé à cette évolution, dans le sens où certains outils et programmes devenus communs à Hollywood ont été développés pour certains des films sur lesquels j’ai travaillé. Déjà à l’époque, nous rajoutions des véhicules en post-production si besoin…Mais pour moi, l’important a toujours été de cacher l’effet, de le dissimuler au sein de quelque chose de réel. Et pour ça, le mieux est de filmer quelque chose de réel dans lequel on ajoute de la CGI, plutôt que de tout envisager en CGI dès le départ. Mais pour en revenir à votre question, la technologie n’est pas un ennemi : elle rend plus de choses possibles et pousse la créativité… Le montage, par exemple, a été facilité grâce aux logiciels numériques de montage. Mais il y avait eu une révolution bien avant, sur La Horde sauvage et son incroyable scène de fusillade, rendue possible par l’invention de la cassette : c’est le premier film sur lequel l’équipe chargée du montage n’a pas eu besoin de coller la pellicule bout à bout… Tout ça pour dire que la technologie bien utilisée, c’est merveilleux.
Encore faut-il bien l’utiliser, justement…
Quand on a inventé le cinéma en couleur, les premiers films proposaient des costumes très colorés et très laids. Et ils reposaient uniquement sur le gimmick de la couleur… Mais très vite, les cinéastes ont dépassé ça, et la couleur n’est devenue qu’un outil pour raconter une histoire. J’ai toujours voulu faire un film autour des avions, par exemple. Et dans la mesure où il y aurait besoin de CGI, il est plus économique de le tourner en numérique que sur pellicule. Sauf que le numérique, c’est trop plat pour moi. Je tourne mes films en anamorphique, avec une petite distorsion de l’image qui donne l’impression d’un “grand film”. Or vous ne pouvez pas obtenir ça avec le numérique. Du moins, c’est difficile. Du coup, nous avons développé un système qui colle deux caméras numériques l’une à côté de l’autre, reliées à un logiciel qui combine les deux images : on peut ainsi obtenir un plan large très profond. Et ça permet, par exemple, de filmer un avion dans un canyon, avec l’impression que les rochers sont tout près tout en donnant une belle profondeur de champ… Sans ça, on ne pourrait pas obtenir ce dont j’ai besoin. Bref, je vous ennuie avec mes réponses techniques mais en gros, le numérique me permet de faire ça.
L’un des vos films les plus marquants -et les plus marquants de la SF moderne- reste “Predator”. Quel souvenirs gardez-vous de ce tournage ?
Les studios nous ont envoyé sur la côté Ouest du Mexique au départ. Mais il y avait peu de forêt et avec l’automne, les feuilles tombaient… Du coup, nous sommes partis sur la côté est, côté Caraïbes. Là où il n’y avait pas de touristes. Ce n’était pas un endroit susceptible de charmer une équipe hollywoodienne, mais Arnold a apprécié l’endroit… Et cette jungle a été vraiment parfaite. Un bon décor naturel apprend tellement aux acteurs. Ils peuvent développer leur imaginaire et donc leurs personnages : plutôt que de parler d’un endroit, il n’y a rien de tel que d’y plonger directement les gens… Comme les enfants, ils se mettent à y croire en utilisant l’environnement. C’est pour cette raison qu’un film CGI tourné sur fond vert est très difficile à faire de manière crédible. Car l’aspect humain qui ressort de votre film, c’est celui de Los Angeles. Car c’est là que se trouvent vos acteurs émotionnellement et physiquement avant, pendant et après la prise. Même avec de grands acteurs, ça se ressent et au final, votre film “sent” Los Angeles. Alors que si vous sortez vos acteurs, ça rend tout plus crédible et plus facile du coup…
Vous êtes d’ailleurs retourné dans la jungle sur “Medecine Man”…
Nous n’avons pu faire que les plans de deuxième équipe en Amazonie… Moi, je n’ai pas pu emmener l’équipe principale dans la jungle. Peu de temps avant Medicine man, un film avait été tourné à Manaus et certains techniciens avaient attrapé la malaria. Les compagnies d’assurance ont appris ça, et il n’a plus été possible d’emmener Sean Connery là-bas et nous avons fini par tourner au Mexique dans une vraie forêt tropicale. Ca aurait été une belle aventure de tourner en Amazonie…
Pour en revenir à “Predator”, l’une des nombreuses réussites du film, c’est sa créature. Comment avez-vous élaboré ce personnage ?
C’est Stan Winston qui est vraiment à l’origine de la créature… Nous avions fait des tests avec une première version quin n’était pas bonne, et Stan a apporté une vraie créativité sur ce projet pour parvenir à ce personnage. Il nous a quittés en 2008. Mais tout le mérite lui revient sur le Predator : c’était un designer formidable capable d’imaginer n’importe quelle créature, et surtout ensuite de la “construire”…
Et que vous inspirent les suites et autres cross-overs qui ont faits par la suite ? Et le projet “Predators” actuellement en production ?
Je ne sais pas… Ca ne m’intéresse pas vraiment… Mais ça ne me dérange pas… Qu’ils s’éclatent avec ça !
Une autre oeuvre marquante, “Piège de Cristal”. Comment est né le personnage de John McClane ? Etait-il déjà comme ça sur le papier ?
Le personnage n’était pas comme ça dans le scénario… Il doit beaucoup à Bruce Willis. Le film avait été écrit pour Richard Gere au départ. Avec un John McClane très suave, très sophistiqué, très classe… Or, ça n’avait aucun sens pour Bruce et moi. Notre première tâche a donc été de retoucher le personnage par rapport à Bruce, et d’affiner l’histoire en conséquence.
Y avait-il une volonté pour vous de passer par une approche verticale de l’action, après l’horizontalité de “Predator” ?
Chaque drame a sa “scène”, vous savez. Un endroit où l’histoire est censée se dérouler. Ca peut être la moitié d’un continent comme ça peut être… une table ! Si l’histoire est censée se dérouler sur cette scène, il n’y a pas de raison d’aller chercher ailleurs. Après, peu importe l’envergure de la scène, l’histoire s’y adapte.
Vous avez refusé de réaliser “58 minutes pour vivre” pour ensuite revenir sur “Une journée en enfer”. Pourquoi ?
Je n’aimais pas le scénario de 58 minutes pour vivre. Une journée en enfer me semblait plus drôle, avec l’ajout du personnage de Samuel L. Jackson notamment. Quant à la séquence d’ouverture, John McClane est un personnage qui ne veut pas être le héros… Dans 58 minutes pour vivre, on commençait le film sur un John McClane qui est déjà le héros “Vous n’êtes pas le mec qui a sauvé cet immeuble à Los Angeles ?”. Du coup, il n’a nulle part où aller, pas d’arc. Et il en devient ennuyeux… John McClane, c’est la souris qui fait un bras d’honneur alors que l’aigle fonce sur lui… Mais il doit être la souris. Et comme à la fin du film il n’est plus une souris, il faut le ramener à la taille d’une souris dans le film suivant pour qu’il puisse évoluer à nouveau. La séquence d’ouverture de Une journée en enfer n’était donc pas l’un des choix possibles, mais le seul choix à faire.
Outre John McClane, le lien entre “Piège de cristal” et “Une journée en enfer” repose sur les frères Gruber, deux bad-guys exceptionnels. Vous saviez que la version allemande change quelque peu le fond de l’histoire puisque le doublage les transforme en activistes irlandais, afin de ne pas faire de lien avec le terrorisme allemand de l’époque ?
Je l’ignorais mais je peux comprendre… Je n’ai pas fait la suite de A la poursuite d’Octobre rouge (Jeux de guerre, NDLR) parce que le méchant était un membre de l’IRA. Or, des membres de ma famille faisaient partie de l’IRA. Donc…
Un autre film majeur, “Le 13e Guerrier”. On sait que la production a été plus que délicate. Quelle aurait été votre version du film ?
Il y a eu beaucoup de soucis sur ce film. Ca arrive parfois… Et je ne préfère pas parler de ma vision du film, je préfère ne pas aborder ce chapitre… J’avais une fin différente. Je voulais rendre hommage à L’ Ultime attaque (Zulu Dawn), vous savez la reconstitution de la bataille d’Isandlwana… Il reste trois survivants qui doivent affronter des milliers d’assaillants. On sait qu’ils ne résisteront pas à un autre assaut. Ils regardent tous ces Zoulous rassemblés autour d’eux, et l’un des survivants leur crie “Pourquoi nous torturer ainsi ? Venez nous achever !” Et l’un de ses compagnons d’armes lui répond : “Vous n’avez rien compris, ils saluent notre courage”. Et les Zoulous se retirent… Et on comprend alors qu’ils chantaient une chanson aux trois survivants assez courageux pour continuer à se battre alors que la bataille est perdue… C’est un final fabuleux. Et c’est ce que j’aurais aimé faire sur Le 13è Guerrier.
Vous avez aussi réalisé deux remakes de films de Norman Jewison : “L’Affaire Thomas Crown” et “Rollerball”.
J’adore ses films… Je ne suis pas certain qu’il apprécie mes remakes par contre ! J’apprécie beaucoup sa mise en scène, son style, son sens de l’humour, sa classe… J’aimerais pouvoir faire (re)découvrir certains de ses films.
En parlant de “L’Affaire Thomas Crown”, on ne peut pas ne pas évoquer Pierce Brosnan, qui était à l’affiche de votre premier long métrage “Nomads”…
Pierce est un vrai ami. Une amitié née au départ du fait qu’il était le seul acteur à savoir écrire mon nom ! (Rires) On espère pouvoir retourner ensemble… J’adore travailler avec lui. J’ai revu Mamma Mia ! récemment. On pourrait penser que choisir Pierce pour le film relevait d’une idée étrange, mais il est merveilleux dans ce rôle. Il chante vraiment à l’écran, et on sait que ce n’est pas un chanteur professionnel. Et on voit sur son visage à quel point c’est difficile et à quel point il a peur… Et ça donne quelque chose de génial ! Ca rend le film tellement touchant… Et ça montre son courage. Et ça le rend immédiatement sympathique. Car Pierce a ce problème d’être trop beau et donc trop ennuyeux pour certains. Mais là, on le sent en difficulté, et on l’aime pour ça et pour le courage dont il fait preuve de venir chanter. C’est brillant de lui avoir proposé ce rôle ! Merci à eux…
Vos fans attendent désespérement votre retour depuis “Basic”. Quels sont vos projets ?
Je travaille sur trois projets. The Murder of Orson Welles, qui se déroule au Brésil au printemps 1942 au moment du meurtre d’Orson Welles… On y racontera comment il a été tué aux Etats-Unis alors qu’il se trouvait au Brésil. Ensuite il y a Run, un projet autour des voitures. Et le dernier est un projet qui me tient à cœur, The Nez-Perce War autour de la Guerre des Nez Percés, une guerre indienne survenue dans les années 1870 aux Etats-Unis. C’est un projet que je rêve de monter depuis longtemps…
Et vous avez récemment signé un documentaire politique assez choc, “The Political Prosecutions of Karl Rove”…
Ce n’est pas vraiment un documentaire. C’est une compilation de témoignages de 35 personnes au sujet d’une centaine d’affaires judiciaires… Ce sont simplement des gens qui racontent leur histoire, et je me suis contenté de les retrouver, d’enregistrer leurs témoignages et de compiler tout ça. Et désormais, nous travaillons sur une “suite” puisque le départ de Bush de la Maison-Blanche et la réalisation de ce premier film ont convaincu d’autres gens de témoigner. Le membres de la Droite américaine sont des monstres. Sincèrement. (Plus d’infos sur www.politicalprosecutions.org)
C’est important pour vous, en tant que réalisateur, de passer de la fiction au réel ?
Non, on m’a inclus dans ce film en quelque sorte puisque j’ai été traîné en justice (dans l’affaire des écoutes illégales, NDLR). Ils m’ont demandé de témoigner contre quelqu’un, et m’ont accusé d’un délit quand j’ai refusé… Et j’ai découvert qu’ils avaient fait ça à des centaines de gens, simplement dans un but politique : monter un dossier qui remonterait jusqu’à Hillary Clinton puisque son entourage a notamment été visé, ainsi que Barack Obama, le Gouverneur Richardson en Caroline du Nord, etc… Un professeur d’Université suit ça de très près, et il a mis en avant que 87% des procès visant des élus depuis 2000 touchent des Démocrates ! Et les Républicains victimes de ces procès sont les plus modérés… Ceux qui orchestrent ça ne sont même plus des Républicains, mais simplement des Authoritarians. Ils font la même chose que les fascistes en Allemagne dans les années 20… Ils ont beaucoup d’argent, ils contrôlent la Justice… Ce sont eux qui ont tenté d’appliquer l’Impeachment à Bill Clinton : le procureur Kenneth Starr est un membre ultra-radical de la Droite américaine… Et ça remonte comme ça jusqu’à Nixon. Ce sont ces gens qui ont mis Pinochet au pouvoir, qui ont aidé les juntes en Argentine et en Uruguay… Dick Cheney baignait déjà là-dedans quand il avait à peine 25 ans… Vous vous souvenez de l’Affaire du Watergate ? L’un des instigateurs avait pour assistant un homme nommé Karl Rove, le principal conseiller politique de l’administration Bush ! Ces gens ont tellement d’argent et de pouvoir désormais… Ils ont muselé la presse, il n’y a plus de presse libre aux Etats-Unis.
La démocratie est en danger selon-vous ?
La démocratie n’existe plus aux Etats-Unis. Elle n’existe tout simplement plus… On en reparlera dans quelques années si vous voulez, en regardant avec du recul ce qu’ils essayent de faire à Barack Obama. Vous savez, George W. Bush a été le pire Président de l’histoire, il a ruiné l’économie, il a lancé deux guerres perdues d’avance… C’est juste ça qui a permis à Obama de passer. N’importe quel démocrate serait passé. C’est l’après-Obama qui m’inquiète, j’ai vraiment peur pour l’avenir. Aux Etats-Unis, contrairement aux régimes européens, c’est normalement rare que tout un camp dans l’opposition bloque certains votes. Ca arrive maintenant, car les Républicains modérés sont menacés et inquiétés par les autorités, jusqu’à ce qu’ils acceptent de voter comme les conservateurs. Et là, les enquêtes cessent d’un coup. Toutes ces informations sont accessibles à la presse, mais personne ne se penche sur la question car il n’y a plus de médias libres chez nous… Mêmes les vieux journaux, même le New York Times. Ils ne peuvent pas affronter de procès face à la Droite. A la télévision, il n’y a plus que MSNBC qui reste à, peu près libre…
Il n’y a plus d’espoir selon vous ?
Il y a de l’espoir chez le peuple américain. Ceux qui ont voté Barack Obama, ceux qui ne sont pas racistes. Mais tout ça fait très peur…
Vous avez évoqué la question avec Arnold Schwarzenegger ? Il est gouverneur républicain après tout…
Non, je ne veux pas l’embêter avec ça. Il est gouverneur et il a assez de travail comme ça… Et je ne voudrais pas profiter de notre relation cinématographique et m’en servir pour parler de politique. En parlant d’Arnold, il ne s’en sort pas si mal… Sa femme vient du clan Kennedy, donc elle doit lui ouvrir les yeux sur certains sujets. Mais Arnold fait partie de ces rares Républicains à s’être prononcé pour la proposition d’amélioration du système de santé, proposée par Obama. Il s’en sort bien je trouve…
Sur “Predator”, vous avez fait tourné deux futurs gouverneurs : Arnold Schwarzenegger et Jesse Ventura. Vous sentiez chez eux ce désir de politique ?
Je crois qu’Alec Baldwin (A la poursuite d’Octobre rouge) envisage de se présenter, aussi… Mais on sentait surtout cette envie chez Arnold, même à l’époque. Il s’est toujours préparé à ça.
Pour nous en France, c’est assez étrange qu’un acteur puisse entrer en politique. Vous réalisez ça ? (Rires)
Nous aussi, nous avions un tabou là-dessus je pense. Et Reagan a cassé cette barrière, et c’est désormais quelque chose de normal à nos yeux. Les Américains s’intéressent surtout à ce que dit la personne et ce qu’elle dégage. Après, peu importe son passé. Mais je crois que les Etats-Unis ont toujours été une sorte de plate-forme de test pour l’Europe : les choses que vous n’osez pas faire chez vous, vous suggérez que nous les fassions. Vous écrivez un livre ou un article à propos d’une idée, et quelqu’un en Californie le lit et décide d’essayer. Vous regardez alors comment ça se passe, et vous voyez si vous tentez la même chose chez vous. Toutes les idées qui émergent chez nous viennent d’Europe, et souvent de France…
Dernière question : si je vous faisais un chèque de 150 millions de dollars, là, tout de suite, quel projet rêvé mettriez-vous en chantier ?
The Nez-Perce War. Je rêve de faire ce film depuis longtemps, et j’espère pouvoir concrétiser ça d’ici quelques années. Mais je n’ai pas besoin de 150 millions de dollars. Pour ce prix là, je peux vous faire trois films. Trois gros films, même.
Propos recueillis à Manaus en novembre 2009 par Vincent Garnier & Yoann Sardet
“The Political Prosecutions of Karl Rove”
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