Le déni de grossesse, dont il est question au procès à Tulle (Corrèze) de la mère de la petite "Séréna", est une "étrangeté dont est capable l’être humain", une sorte de "verrouillage émotionnel", un phénomène que société et justice commencent à mieux comprendre. Décryptage avec la psychologue-psychanalysteSophie Marinopoulos, co-auteure de "Elles accouchent mais ne sont pas enceintes – Le déni de grossesse".

Selon la psychologue Sophie Marinopoulos, auteure avec le gynécologue-obstétricien Israël Nisand de

“Elles accouchent mais ne sont pas enceintes – Le déni de grossesse”, “beaucoup reste à faire en matière de prévention“, notamment auprès de femmes qui font des “déclarations tardives de grossesse“, signe avant-coureur des cas de

déni de grossesse qui passe souvent sous le radar. Entretien.Le déni de grossesse a été invoqué dans l’affaire Séréna, et sera sans doute au coeur des débats. Quel est son mécanisme ?S. Marinopoulos.  “Je ne connais pas le fond du dossier de Tulle, je ne suis pas partie au procès, et donc incapable de dire s’il s’agit ici d’un déni de grossesse ou pas. Mais sur un plan général, on est avec le déni de grossesse dans une espèce de verrouillage émotionnel, de toute la vie sensible, qui fait qu’il y a une non-reconnaissance de l’état de grossesse. C’est véritablement un mécanisme de défense, une défense massive qui dit ” je me défends de reconnaître la réalité de ce que je suis en train de vivre”. C’est dramatique, parce que pendant ce temps-là, la grossesse physique, elle, se déroule. Au bout de neuf mois, un enfant naît, avec les drames que l’on connait de

néonaticide (meurtre de son bébé de moins de 24 heures, NDLR) ou les accouchements parfois dramatiques où la femme est livrée à elle-même avec les douleurs de l’enfantement, et durant lesquels l’enfant peut décéder des conditions de sa naissance“.Y a-t-il un profil qui émerge, de mères sujettes aux dénis de grossesse ?S. Marinopoulos. “Dans les situations de déni, on retrouve vraiment de manière très flagrante une dimension carentielle de la vie psycho-affective. Ce sont des femmes, dans les procès, souvent caricaturées dans les médias comme froides, ne montrant pas d’affect, donnant l’impression de s’en ficher. Or, elles ne s’en fichent pas du tout. Ce sont des femmes qui ont passé leur vie à être dans le déni de leur propre émotion. Bien avant le déni de grossesse, il y a un déni de la vie affective, souvent un déni du corps, un corps qui n’est pas bien traité, mal nourri. Elles ont souvent des problèmes de surpoids, un “corps psychique” oublié, des tendances dépressives. C’est bien là-dessus qu’on doit travailler dans la prévention. Souvent, on s’aperçoit qu’avant l’enfant décédé après un déni de grossesse, il y avait eu pour un enfant précédent une déclaration tardive de grossesse”.Le déni de grossesse est-il aujourd’hui mieux compris et connu, de la justice notamment ?S. Marinopoulos. “Il y a une écoute, il y a vraiment du monde qui a à cœur de comprendre et de s’ouvrir à cette étrangeté dont est capable l’être humain. Ce n’est pas le cas partout, ni dans tous les tribunaux mais c’est en train de s’ouvrir. Mais il peut y avoir une utilisation du déni de grossesse à tort et à travers. Il faut distinguer la dissimulation du déni de grossesse. L’enjeu est important : s’il y a meurtre d’un nouveau-né et s’il y a eu dissimulation de la grossesse, c’est qu’il y a eu un meurtre prémédité, c’est gravissime. Dans une situation grave de déni de grossesse, avérée, il n’y pas de préméditation, car la femme “n’est pas” enceinte. Mais il faut une expertise sérieuse. Il ne s’agit pas de dire tout et n’importe quoi à propos du déni de grossesse”.Click Here: new zealand rugby team jerseys