En 2008, la majorité des prescriptions de Mediator auraient été réalisées hors de ses indications officielles. Cet usage détourné du médicament (principalement comme coupe-faim) aurait facilement pu être identifié par l’Assurance maladie, selon lecollectif Initiative Transparence Santé.
Selon les données de la Cnam, 80% des prescriptions de Mediator effectuées en 2008 n'étaient pas justifiées.
80 % des prescriptions injustifiées ?Après plusieurs demandes, la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) a livré une partie des données de consommation sur le Mediator au collectif Initiative Transparence Santé. Une demande que la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) avait jugé légitime en novembre 2013.
D’après ces données fournies par la Cnam, il apparaît qu’en 2008, le médicament de Servier aurait été prescrit dans de nombreux cas hors de ses indications officielles, c’est-à-dire à des personnes qui n’étaient pas diabétiques. Les indications de ce médicament ont fluctué dans le temps mais entre avril 2007 et novembre 2009, elles étaient restreintes à “adjuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale“. Dans le détail, parmi ceux ayant consommé du Mediator, 19,6 % étaient traités par des médicaments antidiabétiques. On ne peut cependant évaluer la proportion de ceux qui étaient diabétiques et n’auraient été traités qu’avec ce médicament et un régime alimentaire parmi les 80,4% restant. Mais ITS retient ce chiffre de 8 prescriptions injustifiées sur 10. Le principal usage détourné connu est son utilisation en tant que coupe-faim (comme l’avait suggéré
l’enquête en ligne Doctissimo dès janvier 2011).Selon l’analyse des prescriptions portant sur les remboursements de 2009, les principales spécialités médicales à l’origine des prescriptions ont été la médecine générale (92,3 % des prescriptions), l’endocrinologie et la médecine interne (5,4 %), la cardiologie (0,6 %) et de manière assez surprenante, la gynécologie (0,6 %) et la psychiatrie (0,3 %).Une inaction de la CNAM difficilement explicablePour le collectif Initiative Transparence Santé, “Soit la Cnam avait connaissance de ce mésusage et n’a rien fait, ce qui nous semble hautement critiquable. Soit elle ne le savait pas mais aurait facilement pu le découvrir. La réponse que notre collectif est parvenu à obtenir (avec difficulté) en atteste. En ce cas, la Cnam a pêché par défaut de surveillance ce qui nous semble également fort regrettable“.Les signaux d’alerte étaient pourtant nombreux concernant les dangers de cette molécule depuis 1997 (cf. notre article :“
La crise du Mediator en 10 points-clés“) et son mésusage avec notamment dès 1998, la publication d’une étude de l’Union régionale des caisses d’Assurance maladie de Bourgogne. Selon ITS, la Cnam aurait pu mettre en lumière ces problèmes dès 1999, grâce au Système national d’information inter-régime de l’Assurance maladie (Sniiram), une base de données unique au monde alimentée par les feuilles de soins des Français qui contient entre autres informations, la consommation de médicaments des Français.Effet Méditerranée : des disparités de prescriptions étonnantesLes données fournies par la Cnam mettent également en lumière d’étonnantes disparités régionales en termes de consommation de ce médicament sur les 12 mois avant son interdiction. Alors que les quatre départements les moins consommateurs (la Mayenne, l’Ille-et-Vilaine, le Maine-et-Loire et l’Indre-et-Loire) affichent un taux de prescription pour mille habitants compris entre 1,14 et 1,58, ce taux atteint 12,4 à 14,3 dans les quatre départements où le Mediator a été le plus prescrit (Corse-du-Sud, Var, Alpes-Maritimes et Bouches-du-Rhône).ITS s’interroge sur de telles disparités. Certaines caisses primaires ont-elles exercé un contrôle plus strict que les autres ? “Les données départementales de prescription hors indications auraient été d’une grande utilité afin de répondre en partie à ces questions. Ces informations, l’Initiative Transparence Santé les a demandées à la Cnam. Son directeur a refusé de nous les transmettre en dépit de l’avis de la Cada. On ne peut que le regretter. Tout comme on regrette qu’il ait également refusé de nous fournir des informations à l’échelle départementale sur le nombre et la spécialité des médecins ayant prescrit le médicament de Servier“ conclut l’association.Une faillite des autorités sanitairesMediator ® a été commercialisé de 1976 à 2009 en France. En 2008, deux médicaments génériques ont même été mis sur le marché par les laboratoires Mylan et Qualimed. Selon l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), environ 5 millions de patients ont utilisé ces traitements (1,5 à 2 millions pour le Mediator ® ), avec une durée moyenne de prise d’environ 18 mois. Cela représente 144 millions de boîtes délivrées.Ce médicament sera finalement interdit en 2009, 12 ans après les Etats-Unis, 11 ans après la Suisse, 6 ans après l’Espagne, 5 ans après l’Italie…
Selon les estimations, les experts estiment que ce médicament pourrait être responsable de 500 à 2000 morts. Combien auraient pu être évitées grâce à un suivi plus strict des prescriptions et une interdiction plus précoce ?David BêmeSource : Communiqué ITS – février 2014Crédit photo : VALINCO/SIPAClick Here: NRL Telstra Premiership